Scène 1
On entend le ronflement d’un moteur.
Bruit de freins. Accident.
Lumière.
Le garçon : Les vacances de Noël. Le soleil de l’hiver. Le bonheur. Nord d’Oslo. Papa conduit. Maman à côté. Moi derrière. Route verglacée. Dérapage, glissade, perte de contrôle. Dans le fossé. Chute. Dans le ravin (il crie) Papa ! Maman ! Non !
Scène 2
Grand-Mère : Pleure donc mon chéri. Grand-mère est là.
Le garçon : Qu’est qu’on va faire maintenant ?
La Grand-Mère : Tu vas habiter ici avec moi. Je m’occuperai de toi.
Le garçon : Je ne vais pas rentrer en Angleterre ?
La Grand-Mère : Non. C’est impossible pour moi. Que le Ciel me pardonne mais je ne veux pas quitter la Norvège.
Ils s’embrassent. Grand-Mère s’adresse au public.
Les jours passèrent, et le temps finit par guérir les blessures.
Tous les soirs, je lui racontais les souvenirs de mes vacances d’été,
quand j’étais jeune. (Au garçon) Nous partions en bateau et on faisait
des signes aux crevettiers qui rentraient. Ils s’arrêtaient et nous
donnaient à chacun une poignée de crevettes juste cuites et encore
chaudes. On les décortiquait et on les avalait. La tête c’était le
meilleur.
Le garçon semble intéressé.
Le garçon : La tête ?
La Grand-Mère : Tu la coinces entre tes dents et tu aspires tout ce qu’il y a dedans. (Elle lui montre avec délectation) C’est merveilleux.
Le garçon : Beurk, c’est horrible ! (à la fois horrifié et heureux)
Grand-Mère (allumant un long cigare noir) C’est excitant quand c’est horrible, mon garçon. Tiens, les sorcières…
Le garçon : Les sorcières ? Avec ces chapeaux ridicules et ces capes noires, qui se promènent à califourchon sur leurs balais.
Grand-Mère : Non. Celles-là, c’est dans les contes. Très surfait. Moi, je parle des vraies sorcières.
Le garçon : Des vraies sorcières ?
La grand-mère :
Les vraies sorcières s’habillent de façon ordinaire et ressemblent
vraiment à des personnes normales. C’est la raison pour laquelle c’est
très difficile de les attraper.
Le garçon : Mais pourquoi faut-il les attraper ?
La grand-mère : Parce que, mon petit chéri, elles
sont démoniaques. Elles détestent les enfants. Elles trouvent autant de
plaisir à écrabouiller qu’un enfant trouve à manger une assiette de
fraises à la crème.
Le garçon : A écrabouiller ?
La grand-mère : Elle choisit sa victime, la traque
doucement. Elle s’approche de plus en plus près et pouf, elle s’abat sur
elle. Il y a une gerbe d’étincelles. Des flammes jaillissent, L’huile
se met à bouillonner, les rats hurlent, la peau se ratatine. Puis
l’enfant disparaît. Ecrabouillé.
Le garçon : Il disparaît ?
La grand-mère : Pas à chaque fois. Parfois, l’enfant se transforme en autre chose…